Sur la fin de l’automne,
Quand les premiers frimas font déserter Pomone,
Un moucheron fut saisi par le froid.
Au point du jour il découvrit un toit
Où de Pâtre déjà s’élevait la fumée.
D’une aile, alors par l’espoir ranimée,
Il vole et va chercher un gîte en cet endroit.
Porte, fenêtre, hélas ! toute entrée était close ;
Sur un châssis vitré par dehors il se pose,
Et dans l’appartement il voit, sur des rayons
Où l’on avait placé les fruits et les bonbons,
Des mouches qui jouaient ou tenaient leur chapitre.
Une d’elles bientôt fit un tour vers la vitre ;
Et là, de sa toilette occupant son loisir,
S’égayait, remuait ses pattes à plaisir.
« Oh ! que vous êtes fortunée,
Et que je porte envie à votre destinée !
Lui dit en tremblotant le pauvre moucheron ;
N’est-il aucun moyen d’entrer dans la maison ?
Parlez, dites, ma sœur ; je meurs s’il faut attendre. »
— « Eh mais, vraiment,
Il est bien temps de vous y prendre,
Lui dit la mouche en se frottant ;
Quand la fenêtre était ouverte,
A s’introduire il fallait être alerte.
Que faisiez-vous ? vous voyagiez au loin ;
Vous bourdonniez dans quelque coin,
Ou, pour les jeux laissant la promenade,
Vous donniez barre à quelque camarade ;
Car, Dieu merci, messieurs les moucherons
Sont étourdis comme des hannetons. »
La mouche à peine avait fait ce reproche.
Que l’enfant du logis de la fenêtre approche.
Ce garçon sur le doigt agaçait un moineau.
Il voit la mouche, et zest, en fait fête à l’oiseau.
Tout effrayé le moucheron s’envole ;
De sa mauvaise nuit le pauvret se console,
Et le soleil amenant un beau jour,
De son bonheur il se vante à son tour.
Gardons-nous de compter sur notre savoir-faire.
Aux accidents de sa condition
Qui peut toujours se soustraire ?
Si l’on se perd par la présomption,
On peut avoir la fortune contraire
Par trop de précaution.
“Le Moucheron et la Mouche”