Jean-Joseph Monmoreau
Poète et fabuliste XIXº – Le paon et le coq
— Comment peux-tu sans vanité
Prétendre m’éclipser à la fleur de mon âge ?
Disait un paon au coq sur un ton de fierté :
Vois ces saphirs qui parent mon plumage,
Et ma soyeuse roue à l’éclat sans pareil !
Est-il un autre oiseau, sur la machine ronde,
Capable autant que moi de plaire à tout le monde ?
Je reflète, à mon gré, les rayons du soleil.
Ma taille est élancée ; une aigrette légère
Ondule sur ma tête. Avec juste raison.
Chacun dit que l’oiseau favori de Junon,
Au port majestueux, à la démarche fière.
Semble étaler, à la belle saison,
Les plus riches couleurs du ciel et de la terre.
— Je rends justice à ta beauté,
Lui répondit le chantre de l’aurore :
Mais ce frivole don n’égale pas encore
Ma gloire, mon triomphe et mon utilité,
Ma vigilance et mon courage.
Dès que le laboureur peut entendre ma voix.
Ses rudes bœufs et lui délaissent le village.
Les Grecs et les Romains consultaient autrefois.
Mes bons aïeux ; et mon image
Ornait, selon l’antique usage,
Le casque des héros, les écussons des rois,
Les armes, l’étendard du vieux peuple gaulois.
Tandis que toi, gonflé d’une folle jactance,
Tu n’as que ton orgueil et ta magnificence ;
Tu n’as que la robe d’Argus.
Ta vanité m’outrage, exalte ma colère.
Que de paons sur notre hémisphère ! ! !
Mais je me tais, n’en parlons plus,
Car à bien des humains j’aurais peut-être affaire.
Jean-Joseph Monmoreau, Novembre 1865.