Jean de La Fontaine
Poète, moraliste et fabuliste XVIIº – Le Paon se plaignant à Junon
Le Paon se plaignait à Junon :
Déesse, disait-il, ce n’est pas sans raison
Que je me plains, que je murmure :
Le chant dont vous m’avez fait don
Déplaît à toute la Nature ;
Au lieu qu’un Rossignol, chétive créature,
Forme des sons aussi doux qu’éclatants,
Est lui seul l’honneur du Printemps.
Junon répondit en colère :
Oiseau jaloux, et qui devrais te taire,
Est-ce à toi d’envier la voix du Rossignol,
Toi que l’on voit porter à l’entour de ton col
Un arc-en-ciel nué de cent sortes de soies ;
Qui te panades, qui déploies
Une si riche queue, et qui semble à nos yeux
La Boutique d’un Lapidaire ?
Est-il quelque oiseau sous les Cieux
Plus que toi capable de plaire ?
Tout animal n’a pas toutes propriétés.
Nous vous avons donné diverses qualités :
Les uns ont la grandeur et la force en partage ;
Le Faucon est léger, l’Aigle plein de courage ;
Le Corbeau sert pour le présage,
La Corneille avertit des malheurs à venir ;
Tous sont contents de leur ramage.
Cesse donc de te plaindre, ou bien, pour te punir,
Je t’ôterai ton plumage.
Autre analyse
Analyses de Chamfort – 1796.
V. 8………… Pour la bouche des dieux.
Cette exposition montre la finesse d’esprit de La Fontaine. Les dieux étaient supposés respirer l’odeur des sacrifices , mais non pas manger les victimes. La Fontaine, par ce mot de la bouche des dieux, indique leurs représentants, qui avaient soin de choisir les victimes les plus belles et les plus grasses.
Les quatre derniers vers sont charmants ; le second et le quatrième sont devenus proverbes. Ce rapport de sons répété deux fois entre la rime de eure et celle de eurs, les gâte un peu à la lecture. (Le Paon se plaignant à Junon)
Commentaires de MNS Guillon – 1803.
(1) Le Paon se plaignait à Junon. Cette déesse est la protectrice naturelle de l’Oiseau qui lui est consacré. Argus ayant été choisi par elle pour garder Io, que Jupiter, son époux, aimait, et qui fut changée en Vache ; Mercure l’endormit au son de sa flûte, et le tua par ordre de Jupiter. Junon, pour récompenser la fidélité de son espion, le métamorphosa en Paon, dont les cercles d’or qui paraissent semés sur sa queue sont autant d’yeux.
(2) Déesse, disait-il. L’apostrophe est brusque. C’est moins par honneur, qu’avec la sécheresse de la plainte, que l’Oiseau mécontent adresse cette appellation…lire la suite