Le Paon se plaignant à Junon – commentaires et analyse de MNS Guillon – 1803.

(1) Le Paon se plaignoit à Junon. Cette déesse est la protectrice naturelle de l’Oiseau qui lui est consacré. Argus ayant été choisi par elle pour garder Io, que Jupiter, son époux, aimoit, et qui fut changée en Vache ; Mercure l’endormit au son de sa flûte, et le tua par ordre de Jupiter. Junon, pour récompenser la fidélité de son espion, le métamorphosa en Paon, dont les cercles d’or qui paroissent semés sur sa queue sont autant d’yeux.
(2) Déesse, disoit-il. L’apostrophe est brusque. C’est moins par honneur, qu’avec la sécheresse de la plainte, que l’Oiseau mécontent adresse cette appellation.
(3) Toi que l’on voit porter, etc. Il y a dans toutes les langues des descriptions de la riche parure du Paon. En connoit-on qui réunisse plus de magnificence à plus de précision? Ce sont pour la variété de ses couleurs, les nuances dé l’arc-en-ciel, c’est-à-dire, ce qu’il y a de plus brillant dans k nature : c’est, pour l’éclat de ces mêmes parures, la boutique d’un Lapidaire, c’est-à-dire tout ce que l’art peut étaler de plus somptueux. Observons que ces beaux vers de La Fontaine ne sont pourtant qu’une superbe broderie de ces vers de Phèdre :
Nitor smaragdi collo praefulget tuo , Pictisque plumis gemmeam caudam explicas.
(4) Nous vous avons donné, L’épouse de Jupiter , associée par les privilèges de la couche nuptiale, à la toute-puissance de la majesté suprême , n’a garde d’oublier la part qu’elle eut à ces magnifiques créations. Ainsi Virgile lui fait dire : ego quœ regina Deûm incedo Jovisque et soror et conjux. L’excellence de l’ouvrage et de l’ouvrier relève encore l’injustice de la plainte.