Le Parvenu
Guillot voulait faire fortune :
Aux butors comme aux gens d’esprit
Cette fantaisie est commune.
Voila Guillot qui réfléchit,
Va, vient, court, s’évertue, et veille…..et s’enrichit.
Non content des écus, bientôt le bon apôtre
Veut tâter la dignité.
Pourquoi pas ? il saura figurer comme un autre
Au conseil de Sa Majesté.
Mais la foule ?…. « Eh ! parbleu, j’ai des poings, du courage,
Un bon dos et du front : je suis sûr du passage. »
La dessus mon lourdaud, ferme comme un pilier,
Va grossir la cohue, il fait un pas, il perce.
Il pousse à droite, à gauche, il écarte, il renverse.
Il a passé la porte, il franchit l’escalier,
Le voila chez le Roi. Dans ce torrent qui roule.
Un pauvre homme de bien, tout meurtri, tout froissé.
Au faîte des grandeurs voit mon taquin hissé.
« Quoi ? C’est Guillot ! — C’est moi. — Mais pour fendre la foule
Comment diable as-tu fait, mon garçon? — J’ai poussé. »
« fable : Le Parvenu »
Louis-Pierre Rouillé, 1757-1844