Félix MOUSSET
Un paysan avait un chien
Etique, efflanqué, mais fidèle,
Solide et vigilant gardien,
Dont les voleurs craignent le zèle.
Notre homme possédait, autre animal charmant,
Un matou, par malheur paresseux et gourmand.
Tandis qu’il nourrissait le malheureux chien maigre
De vieux croûtons moisis ou parfois de lait aigre,
Le chat faisait chaque matin
Des restes de son maître un copieux festin.
Des voleurs qui savaient que ronde était la masse,
Entourent le logis du riche paysan ;
C’était la nuit ! chaque assaillant choisit sa place.
Chez ces bandits le meurtre a plus d’un partisan.
Ils donnent l’assaut, pleins d’audace,
Et vont tuer le maître afin de partager
Le trésor sans aucun danger ;
Ils pourront repartir sans laisser nulle trace.
Tout à coup le chien vigilant
Sur la troupe court en hurlant,
Bravement sur le chef de la bande il se jette.
L’alerte fut ainsi donnée à la maison.
Le chat, plein de prudence et de froide raison,
Trouvant la retraite plus sûre,
S’empressa de grimper au loin sur la toiture,
Pendant que les valets et le maître à grands cris
Chassaient les voleurs du logis.
Le chien mourut, hélas ! d’une horrible blessure
Qu’il avait reçue au combat.
« Morbleu, disait le rustre en caressant son chat,
Le chien m’a bien servi: cette espèce de bête
Doit passer jours et nuits autour de la maison.
Ça les rend dangereux, la preuve en est complète.
Du pauvre chien mourant telle fut l’oraison.
Moralité
Que le devoir serait besogne triste et vaine.
S’il recevait son prix ici-bas seulement!
Son salaire est le plus souvent
L’ingratitude humaine.
“Le Paysan, le Chat et le Chien”