— « Que je plains ton triste partage !
Disait un jour le Peuplier
Au modeste Pêcher, enfant du voisinage ;
» A quelques pieds, au plus, s’élève ton feuillage ;
» Bientôt un cruel jardinier,
» N’écoutant que son avarice,
» Te taille, te mutile, et, suivant son caprice,
» Fait ramper tes rameaux sous des liens d’osier.
» Entre nous, sans vouloir en rien t’humilier,
» Le contraste est frappant : ma tête fortunée
» S’élance vers le ciel en pleine liberté :
» J’allie encor la grâce à la beauté ;
» Tout enfin, dans ma destinée,
» D’une illustre origine atteste la splendeur. »
— « Examinons un peu ces brillants avantages,
» Lui répond l’arbrisseau : vous avez la hauteur ;
» Mais ce front, qui touche aux nuages,
» N’en est que plus près des orages ;
» Je vis, du moins, tranquille en mon obscurité.
» Cette apparente liberté
» Dont tant faites le fier est pour vous une honte :
» Elle provient de la stérilité ;
» Je n’en suis point jaloux et vaut mieux, à mon compte,
» Une utile fécondité.
» Pour recueillir mes fruits, l’homme veille sans cesse,
» M’adoucit les rigueurs de l’arrière-saison,
» Soutient, protège ma faiblesse
» Contre les coups de l’aquilon.
» Au bout de l’an, il a sa récompense.
» Pour tout dire en deux mots, voici la différence
» Que le destin met entre nous :
» On recherche mes fruits, et vous êtes stérile ;
» Du vent, votre ennemi, je crains fort peu les coups ;
» Vous brillez, j’en conviens, mais moi je suis utile. »
“Le Pêcher et le Peuplier d’Italie”