Un noble et dévot gentilhomme,
En pompeux équipage, un jour, s’en vint à Rome
Pour confesser certain péché
Au Très-Saint-Père…
Le pape l’accueillit, et même fut touché
De son aveu sincère.
La difficulté commença
Au sujet de la pénitence
Qu’il fallait imposer pour telle et telle offense.
Le pénitent d’abord la refusa.
Il la trouvait un peu sévère :
« Considérez, dit-il, Saint-Père,
Qu’un homme de ma qualité
Ne peut guère être ainsi traité.
Les longues oraisons me fatiguent bien vite.
Et j’y suis toujours fort distrait :
Pour le jeune j’ai peu d’attrait,
Ma santé veut que je l’évite ;
Et, si du médecin j’écoute le conseil,
Je ne pourrai non plus me priver de sommeil :
Je ne puis supporter ni cilice, ni haire ;
L’aumône, je la fais, mais quand je puis, Saint-Père. »
Le pape réfléchit, cherche un expédient
Qui convienne à son pénitent.
« Mon fils, pour toute pénitence,
Mettez à votre doigt cet anneau de saphir,
Où brille en lettres d’or cette simple sentence :
Souviens-toi qu’il faut mourir !
Une fois chaque jour, promettez de la lire,
Et Dieu sera content de votre repentir. »
Le pénitent bien joyeux se retire ;
Mais l’adage mystérieux
À son esprit se présente sans cesse,
Et sur le faux brillant de la richesse
Et sur l’erreur de la mollesse,
À son insu . lui dessille les yeux.
« Il faut mourir! se dit-il en lui-même :
Pourquoi tant ici-bas embellir mon séjour?
Il faut mourir , c’est un arrêt suprême :
Pourquoi flatter ce corps qui doit périr un jour? »
La pénitence, alors, même la plus austère,
Lui parut facile et légère;
Et l’anneau d’or, produisant son effet,
D’un pénitent douteux fit un chrétien parfait.
“Le Pénitent du pape”