Auguste Joseph Duvivier
Médecin et fable XVIIº – Le Perroquet du Grand-Mogol
Le Grand-Mogol avait un Perroquet :
Vrai courtisan, dans son joyeux ramage
Sans cesse au prince il offrait son hommage
Enjolivé d’un compliment coquet.
Le prince aussi l’aimait à la folie,
Vantant partout sa piquante gaîté,
Sa voix suave et sa grâce accomplie:
Flatteur souvent à son tour est flatté.
Mais dans le temps qu’au fond d’une province
Le souverain a dirigé ses pas,
Certain seigneur, peu satisfait du prince,
Au Perroquet fait redire tout bas
Propos malins, épigrammes sévères,
Méchants bons-mots que les rois n’aiment guère.
En son palais le nôtre de retour,
Sans s’arrêter aux transports de sa cour,
Sans s’attendrir aux baisers de sa femme,
Tout aussitôt court égayer son âme
Près de l’oiseau qu’appelle son amour;
Lorsque soudain, ô surprise cruelle!
Dans cet oiseau modèle de douceur,
Dans cet oiseau naguère ami fidèle,
Le prince, hélas! trouve un sujet rebelle,
De ses travers incommode censeur.
Chez les Mogols l’orgueil du diadème
S’arrange mal d’une franchise extrême;
Ont-ils raison? Au contraire ont-ils tort?
Je n’entends pas résoudre le problème;
Mais il advint, dit-on, qu’à l’instant même,
De par le roi, l’oiseau fut mis à mort.
Ami Lecteur, je conviens que mon livre
Sur tes défauts parfois est peu discret:
Or, ne va point, par un fatal arrêt,
Nouveau Mogol lui défendre de vivre.
Auguste Joseph Duvivier