« Pauvre Médor ! disait un jeune enfant,
Depuis longtemps tu gardes notre porte ;
Aux bergers tu prêtes main-forte,
Et pour jouer tu n’as pas un instant !
Viens au salon : je veux changer ta vie.
Sous un collier de gros clous hérissé
Ta tête fut de longs jours asservie :
Par un ruban, il sera remplacé. »
L’enfant joyeux le détache et l’emmène.
Médor est au salon, Médor n’a plus sa chaîne.
C’est une fête de le voir
Sur le parquet glissant posant sa lourde patte :
On convient qu’il n’a pas la marche délicate ;
Mais comment peut-on tout avoir ?…
On lui donne un coussin : il s’y pose à son aise,
Il s’endort en ronflant, sans craindre qu’il déplaise.
Cependant on trouva le ton un peu trop haut,
Et, sans prendre des gants, on l’éveille en sursaut.
Mais alors, se croyant de garde à l’écurie,
Médor de son coussin s’élance avec furie ;
A chaque pas heurtant un casse-cou,
Il ne fait qu’un monceau des meubles d’acajou.
Ce fut bien pis pour le mettre à la porte :
De sa voix de Stentor il aboie, il s’emporte.
On attendit qu’il lui plût de sortir,
Sans l’inviter à revenir.
Il est plus d’un bon cœur que le bien passionne :
Qu’ils corrigent le mal, sans déplacer personne.
(Le petit réformateur)