Certain athée, à qui Dieu fasse grâce!
Dans Gènes avait débarqué.
Les églises, le port, la ville haute et basse,
Far lui tout fut critiqué ;
Dieu sait sur-tout comme il s’était moqué
Des madones qu’on voit orner toutes les rues,
Du dévot appareil de lampes suspendues,
« Ces gens-là sont foux, disait-il,
« De perdre ainsi leur huile et leur prières.
« En l’honneur de quelques pierres. »
Or il advint qu’un soir ce raisonneur subtil
Regagnait son auberge après certaine orgie.
Sur son passage, un stylet à la main,
Étaient plusieurs bandits, enfans de l’Italie ,
Et pour un prix honnête égorgeant leur prochain.
Le philosophe est saisi par la bande,
Qui va percer à jour son corps transi de peur ;
Car je doute que Dieu défende
Un incrédule aussi moqueur.
Pourtant il se débat, et d’un effort contraire
Entraîne le groupe assassin
Jusques au pied d’un dévot luminaire,
Dont les rayons tombent soudain
Sur sa figure aux bandits inconnue.
« Jésus ! ce n’est pas lui, » dit le chef du complot.
« Ce n’est pas lui, » crie aussitôt
La troupe qui s’enfuit. Resté seul dans la rue,
Notre homme voit, se tâte, et dieu merci
N’est point blessé. Fut-il joyeux ? je n’ose
Vous l’assurer. Je crois qu’il fut en tout ceci
Fort content de l’effet et fort sot de la cause.
Car c’est à la madone, à son saint lampion,
Que l’orgueilleux à dû sa délivrance;
Et voici la réflexion
Qui fit les frais de sa reconnaissance.
Ah ! dit-il, je conçois qu’une religion
A souvent ici-bas quelque chose de bon,
Et, dans l’ombre au coupable opposant ses lumières,
Nous épargne les réverbères.
“Le Philosophe à Gêne”