Un prince de Bagdad, qu’en toute circonstance
Ses courtisans s’empressaient d’approuver,
Voulut un jour les éprouver,
De leur sincérité faire l’expérience.
Après le dîner il leur fait
Dans des tasses servir certain breuvage extrait
De l’amer quassia*. L’esclave avec adresse
Avait, sans être vu, dans celle de l’Altesse
Su mettre du café. — Délectable ! Excellent !
Leur dit le prince, en savourant
De son moka le doux arôme ;
Non, certes, d’Yémen le renommé royaume
N’en produisit jamais, par ma foi, d’aussi bon.
Tous cherchent à cacher la piteuse grimace
Que, malgré leurs efforts, fait naître sur leur face
Du quassia l’infusion,
Et l’avalant jusqu’à la lie
Répondent à la fois : — Non jamais, Monseigneur,
Jamais nous n’avons de la vie
Bu d’aussi parfaite liqueur.
*Écorce amère
“Le Prince et ses Courtisans”