Abel Fabre
Abbé, instituteur et fabuliste XIXº – Le Prince Indou et les jeunes Filles
Après un mois de pénible veuvage,
Certain monarque indou songeait au mariage.
L’amant royal fait un signe : aussitôt
Accourent des beautés vingt fois plus qu’il n’en faut;
Beautés de toute forme et de toute figure,
Mais dont le fard menteur éclipse la nature.
Je me tais : le fard a son prix,
A témoin nos charmantes dames ;
A témoin, même leurs maris:
Faute de ce brillant vernis
On aurait peur de bien des femmes.
Le monarque arrivant, joyeux,
Sur chacune arrête les yeux:
De près, de loin, considère et mesure
Les pieds, la taille et la figure.
Après cet examen risible et sérieux :
« Partez, masques, leur dit le prince furieux.
Je ne connais rien en peinture. »
Vainement contre l’imposture
Ma voix s’élèverait, criant à plein gosier.
Aujourd’hui que tout brille en sortant de l’ordure.
Les masques font un peuple entier.
Abel Fabre