Le Rat de Ville
Une fable pour chacun, selon les rimes originales
Le rat le plus huppé des égouts de la ville
Un beau jour convia son beau-frère des champs,
Dont la société n’était guère civile,
À venir déguster un pâté d’ortolans,
Des nems, de la pizza, des kebabs de Turquie :
« Les petits plats, dit-il, dans les grands seront mis ! »
— Alors qu’il l’invitait pour égayer sa vie
Dans un dîner de con autour de bons amis. —
Comme chacun le sait, un rural est honnête,
Et bien qu’il ne connût aucun plat du festin
Quand l’assemblée en fit le héros de la fête
Il ne put se douter être son boute-en-train.
Cependant, prévenu par le garçon de salle,
— Car la ville a des gens qui font courir leur bruit —
Le paysan comprend qu’il faudrait qu’il détale
Plutôt que d’en rester à vivre ce qui suit.
« La politesse ici veut que je me retire !
J’ai trop peur d’abuser sans partir aussitôt,
Et j’ai bien mal au cœur de devoir vous le dire
Mais il est temps venu d’aller faire mon rôt. »
Le citadin supplie, adjure le rustique,
Disant : « Beau-frère ! Allons ! Demeure auprès de moi ! »
Car il aimerait bien, comme dernière pique,
Qu’il prenne ses déchets pour un morceau de roi.
« La bêtise est un sort qu’on ne peut interrompre.
Rétorque son parent, lui gâchant ce loisir.
Quand il joint dans l’égout le vice et le plaisir,
Tout esprit, fût-il grand, ne peut que se corrompre ! »
Le Rat des Champs
Une fable pour chacun, selon les rimes originales
Décidant d’inviter son cousin de la ville
Pour qu’il puisse admirer le charme de ses champs,
Un rat peu compétent en matière civile
Le pria de goûter sa chasse aux ortolans.
Ce dernier, préférant les köftes de Turquie,
Les joignit au buffet quand le couvert fut mis ;
Ne pouvoir renoncer à son mode de vie
Lui vaudrait au retour les bravos des amis.
La table de son hôte, il faut rester honnête,
Fut pour Pantagruel un plantureux festin ;
Bien que gras, les bouseux, quand on parle de fête,
Ne sont, comme on le dit, pas en retard d’un train.
L’urbain parle d’effluve émanant de la salle
Quand soudain de sa chaise on entend un doux bruit
Qui fait que, sur-le-champ, le rat voisin détale
Et que, comme un seul rat, tout le monde le suit.
On attend poliment que l’odeur se retire
Quand la honte et l’air frais les suppléent aussitôt.
Pourtant, le citadin prend le parti de dire :
« Je crains fort que ceci soit la faute du rôt ! »
À ces mots un souris éclaire le rustique :
« Cessez, ordonne-t-il d’être blessant chez moi.
J’en connais dont la tête est au bout de la pique
Pour avoir cru le peuple obligé de son roi !
Si les mœurs de la ville ont pour but d’interrompre
Les repas de famille ou tout autre loisir,
Veuillez donc ramener dans ce lieu de plaisir
Vos airs supérieurs que le gaz vient corrompre. »
- Autres fables de Patrick Lanciot : https://pich24.wordpress.com/