Air du curé de Pomponne.
L’autre jour un bon rat des champs,
Se trouvant à la ville,
Invita l’un de ses parents,
D’une façon civile,
A venir manger un morceau
Dedans sa métairie.
Ça m’ va, dit le rai beau,
Oui, bravo !
J’accepte la partie.
Ils s’en vont griment à Pantin,
Parlant d’affaire et d’autre,
Sans médire de leur prochain,
Comme deux bons apôtre?
Nos compères, en arrivant.
Trouvent la table mise.
Et les voilà mangeant
Et buvant
Comme deux rats d’église.
Comment trouvez-vous ce jambon ?
Goûtez-en, je vous prie;
Je crois que ce fromage cet bon,
Il me vient de la Brie.
Peut-être aimez-vous mieux, cousin.
Casser une noisette?…
Mais buvons… car sans vin
Au festin
Point de fête complète.
Un petit couplet de chanson
Ne gâte pas l’affaire.
Voyons, cousin, un rigaudon
Fait passer maigre chère.
Sur le grand air du tra la la,
Filez-nous un’ romance,
Vous chantez comme un rat…
D’opéra.
Allez… je fais silence.
Mille pardons, mon cher ami,
Répond l’agent de change,
Entre nous, ce n’est pas ainsi
Que dans le monde on mange.
Votre vin me semble un peu lourd,
Il sent trop sa campagne;
Je veux avoir mon tour
Chez Véfour,
Nous boirons le Champagne.
Huit jours après, nos deux amis
S’en donnaient à revanche,
Le bon rat des champs avait mis
Son habit du dimanche.
Tout allait bien… mais plus d’ crédit
On apporte la carte
Voici notre dandy
Qui se dit
Il est temps que je parte.
— Monsieur, vous ne sortirez pas
Sans payer la dépense ;
Vous devez plus de cent repas.
Et c’est assez, je pense.
Le lion veut faire du bruit,
On fait venir le poste ;
Le paysan s’enfuit, A minuit,
Courant comme la poste.
Le bonhomme arrive chez lui,
D’effroi l’âme transie,
En mettant son bonnet de nuit,
Se disait : Quelle vie !…
J’aim’ ben mieux manger mon rata
Avec l’argent que j’ gagne.
Oh ! il m’en souviendra,
La ri ra,
D’leurs dîners au Champagne.
Edouard Neveu, Air ancien, noté an N. 745 de la Clé dn Caveau. Le Rat de la Ville et le Rat des Champs