Au bien de la chose commune,
Un rat de cœur et plein de dévouement,
Avait sans murmurer immolé sa fortune ;
Qui pis est, ruiné tout son tempérament,
Essuyé maint péril, couru mainte aventure,
Et du brave, au combat, attrapé la blessure.
Aux temps où Rodilard bloquait Ratopolis,
Il joua plus d’un tour à Raminagrobis.
Était-il quelque emploi dangereux, difficile,
A coup d’œil prompt, à patte habile,
Capitaine prudent, soldat plein de valeur,
C’était toujours à lui qu’en revenait l’honneur.
Tant que l’on eut besoin de ses services,
On lui sut gré de tous ses sacrifices ;
On le fêta, le vanta, le choya ;
A son vrai prix chacun l’apprécia ;
Tout alla bien. Mais lorsque, après la guerre,
Il reprit sa vie ordinaire,
Pauvre, souffrant et par l’âge affaibli,
Son étoile eut bientôt pâli.
Trop vieux pour subsister du travail de ses pattes,
Et trop fier pour les tendre au détour d’un chemin,
Il attendit la mort aux pieds de ses pénates
Où la faim consuma ce rat vraiment romain.
Pour ses concitoyens encourir la misère,
Sublime sentiment ! mais qui nourrit fort peu.
La patrie est ingrate, hélas ! en plus d’un lieu.
Beaucoup d’autres héros que mon rat-Bélisaire
En ont fait l’épreuve et l’aveu.
L’un d’eux même est l’auteur de ce précepte à suivre :
« Aime et sers ton pays, mais garde de quoi vivre. »
“Le Rat”