J’allai l’autre jour au grenier
(Je ne sais plus pour quelle affaire),
Lorsque, sortant d’un vieux panier,
Un petit rat musqué, bien pincé, fait pour plaire,
M’aborda d’un air cavalier.
D’une patte il ployait une frêle badine
Où brillait l’ivoire et l’argent,
L’autre retroussait fièrement
Une moustache un peu mesquine.
Monsieur, me dit du meilleur ton
Notre gentilhomme raton,
J’ai lu de vous deux ou trois fables,
Mais j’y trouve un fort grand défaut,
Vous y faites parler maints et maints pauvres diables,
Et laissez à l’écart un homme comme il faut ;
Croyez-m’en et mettez en scène
Un gaillard tel que moi, l’élégance est mon lot,
Mes talents vous mettront en veine ;
Où trouver dans Ratopolis
Un rat mieux venu des souris ?
Je nargue les matous, je fais tourner les têtes,
Mon nom est chéri des amours,
Et l’on me voit compter mes jours
Par de trop faciles conquêtes.
— Prenez garde, voici le chat !
Dis-je en montrant la porte ; et notre Lovelace
De quitter à l’instant la place
Sans vouloir tâter du combat.
On est poltron, quand on est Rat.
“Le Rat musqué et le Fabuliste”