Daniel Allemand
Fabuliste contemporain – Le Rat qui se vit roi
Ce fabliau parle du rat
Des forces et faiblesses
D’un animal souvent dans l’embarras
Malgré légende d’une apparente noblesse.
C’est en Chine que le rat noir opine
Auprès d’un mandarin.La bestiole envoûtante
Se voulait gouverneur ; tout le luxe le tente,
Les autres prétendants, il faut qu’il les débine.
Le roi lion cherchait un sbire
Pour régler les dossiers qu’il n’ait plus à subir.
D’un bond le rat est le premier
Avant le bœuf, devant le tigre
Même un lapin qui sauta anémié.
« Que Dieu vous préserve d’eux ! Bigre
Point de ministres lent, feulant ou bien branlant ! »
Le voilà qui dénigre et jure de son mieux,
Pestant, envers les intervenants,
Des flammes du dragon au cheval obséquieux
Contre le coq, contre le singe
Triturant ses méninges,
Blâme le chat absent
(L’ayant dissuadé d’être participant
Parce qu’il était persan)
Evoque enfin l’aigle étranglé par le serpent
Qui aurait pu, être très bon, s’il n’était mort.
L’empereur maugréa si fort :
« Peut me chaut ! Plus de noms ! Ça suffit ! C’est assez ! »
Que sa cour crut qu’il voulait voir chien puis cochon
Bêtes quelque peu angoissées
Quand on les présenta au roi ronchon.
Presque roi, le bon rat prenait ses aises
« Fi ! Que nenni que ces deux-là vous plaisent ! »
« Pourquoi donc rat bouffon
Tu te crois donc griffon ? »
« Le chien trop arrogant ne peut donner le change !
Que dire du porc qui se complait dans la fange ? »
« Dès lors il ne reste que vous ?
Un rat intelligent, charmeur sans anicroche
Qui ne craint rien, ni loup, ni boue,
N’ayant pas langue dans sa poche
Adroit, sans gaucherie. Comblez-moi de la chance.
Messire le rat de vous avoir rencontré. »
« Que dois-je faire bon maître pour gagner confiance ?
A l’abri du danger
Je peux tout gouverner. »
« Tu crois donc aussi me berner ? »
« Point du tout votre altesse
J’ai pour l’envie, la laisse ! »
« Comblons cette envie d’être roi
Donc pour toi ce nouvel octroi :
Je t’offre un large périmètre
Où tu pourras laisser un peu de place aux autres ;
Et sans te compromettre
Tu trouveras le bonheur d’être un bon apôtre
Des signes du zodiaque je te nomme en tête
Pour mener par la barbichette
Tous ceux dont tu ne t’es pas fait que des amis
Jusqu’aux tréfonds infinis de l’astronomie. »
Lèse-majesté, vanité et enfumage
Brisèrent le rat noir qui ne fut anobli,
Mais du calendrier eut la première image.
Il n’est point de plus forte vengeance que l’oubli.
Daniel Allemand
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