Un renard dérobait dans tout le voisinage,
Mais si subtilement (il était des plus fins)
Qu’il passait chez tous ses voisins
Pour un renard loyal et sage.
D’ailleurs il était obligeant ,
Et voire même bienfaisant:
Il avait du lion sauvé deux fois la vie,
En lui faisant connaître un imminent danger ;
Parfois on le vit obliger
La chèvre, le taureau, la gazelle gentille.
Il s’aperçut dans plus d’un cas
Qu’il n’avait pas toujours obligé des ingrats.
Au mariage de sa fille,
Parmi les flacons et les plats,
Certain individu , doyen de la famille,
Lui dit : Mon cher neveu , satisfais mon désir;
Explique-moi comment toi, qui, dans ta jeunesse,
Ne te piquais d’honneur ni de délicatesse,
Tu peux en obligeant trouver quelque plaisir.
— Oh! oh! notre bon vieux, dit le madré compère,
Quand j’oblige quelqu’un il ne m’en coûte rien ,
Et cela très souvent m’a produit un grand bien ;
Bonne action, dit-on, a toujours son salaire.
Celui qui, dans nos cœurs, pour première vertu
Voulant placer la bienfaisance,
Assura qu’un bienfait n’était jamais perdu,
Connaissait les hommes, je pense.
“Le Renard bienfaisant”