A S. E. le Marquis de la Romana
Dit le curé de mon village.
Or savez-vous ce que ce lutin dit?
Mes amis , il dit que le sage
En tout considère lu fin.
Maître Goupil, renard hypocrite et malin,
Voyageait un beau jour avec dom Capricorne,
Portant barbe d’hermite et respectable corne.
A travers les déserts tous deux allaient , dit-on ,
Vers le temple fameux de Jupiter-Ammon ;
Non pas que Goupil fût un dévot personnage ;
Mais le matois avait l’usage
De battre en tous lieux les chemins ,
Et de vivre aux dépens des pauvres pèlerins.
Le bouc, en cheminant; lui raccontait l’histoire
De Jupiter : J’ai, dit-il, cette gloire ,
D’être son allié : mon grand-père Egypan
Etait cousin germain de son fils le dieu Pan ;
Dans les archives de famille
J’ai la certaine histoire , à mon gré très-gentille ;
Je te la veux conter , le fait est très-certain,
C’est un miracle de Jupin , Mon cousin.
Dans les sables de la Lybie
Mon ayeul Egypan avait de grands troupeaux ,
Mais pour les abreuver il ne trouvait point d’eaux,
Tout serait mort de la pépie.
Il adressa ses vœux à Jupiter-Ammon ,
Et comme entre parens on s’oblige sans peine,
Jupiter fit sortir d’un roc une fontaine ,
En le touchant du bout de son bâton ;
Comment le trouves-tu ? — Certes le tour est bon ,
Un tel miracle à point nous viendrait, mon compère ,
Car j’ai soif, et grand’soif, et ne vois point d’eau claire ;
J’aperçois bien un puits. Implore tes parens ,
Les grands , les petits Dieux, les Pans , les Egypans,
Moi je songe au moyen de descendre dedans.
( Il court y regarder. ) Achève ta prière,
Mon cher bouc, dans ce puits j’aperçois ton grand-père ,
Avec moi , mon ami, viens le considérer.
Le bouc y court et, voyant son image ,
Crie au miracle, Eh ! vas doue embrasser
Ce respectable personnage ,
Lui dit maître Goupil, je te suis t descends donc.
L’archi-sot, bien qu’il eût de la barbe au menton
Descend. Notre renard suit et se de saltère.
Le dieu Pan était disparu.
Il est fantasque ton grand-père,
Mais grâce à lui nous avons bu ;
Il faut sortir d’ici. L’autre dit: comment faire ?
— Mets-toi là , je saurai te retirer d’affaire.
Des cornes, et du dos du. barbu compagnon.
Il vous forme une echelle, et de cette façon
Incontinent hors du puits il s’élance.
Et le cousin des dieux ? — le bouc ?…
Il reste au fond; Le renard par un beau sermon
Vous l’exhorte à la patience,
Et lui dit : Mon ami , le proverbe a raison ?
La Barbe n’est pas la prudence.
“Le renard et le Bouc “
- Alexandre Coupé de Saint-Donat- 1775-1845