Un renard et un chat, se rencontrant dans un champ, se concertèrent pour aller ensemble de compagnie. Le chat demanda au renard par quelles ruses ils se pourroient défendre lorsqu’ils seroient poursuivis. « Des ruses, dit le renard, j’en ai au moins plein un sac, mais je ne veux pas ce sac ouvrir avant que nous ne soyons attaqués. » Le chat lui répond : « Nous ne serons pas compagnons, car je ne sais qu’une ruse que savent aussi bien tous mes voisins. » Pendant qu’ils parlent, ils voient venir deux chiens courants; le renard s’écrie : « Maintenant j’ai besoin de ton aide; » le chat répond : « Se-cours-toi toi-même , je n’ai qu’une ruse, elle est pour moi ; » et il saute alors sur un arbre, les chiens saisissent le renard et se mettent à le déchirer. « Compagnon, lui crie le chat, pour-quoi t’oublier, pourquoi n’as-tu pas délié ton sac; tu l’épargnes trop, et les chiens te mal-mènent durement.
— Ah! dit le renard, je l’ai trop épargné, et j’aimerois mieux ton seul tour que tous ceux dont j’ai la pance pleine. Je te vois délivré et je péris.
— Bien m’a servi, dit le chat, de me souvenir de ce que j’ai entendu raconter. »
Le conseil du menteur peut quelquefois profiter au sage, mais une parole de l’homme loyal est plus écoutée et sert plus dans le danger que tous les discours de l’homme fourbe.
“Le Renard et le Chat”