Un coq chantoit sur son fumier. Près de là étoit un renard qui le guettoit; mais il n’étoit pas aisé au larron d’approcher de lui sans l’effaroucher, et cependant c’est ce dont l’hypocrite vint à bout par une ruse. « Sire, lui dit-il, je ne puis résister davantage à l’envie de vous témoigner combien vous m’avez donné ici de plaisir. Il y a long-temps que je vous regarde, et je vous trouve, il faut en convenir, le plus parfait des animaux que j’aie jamais connus. Mais ce qui me plait en vous surtout, c’est votre voix. De ma vie je n’en ai encore entendu une pareille, excepté peut-être celle de votre père : il est vrai pourtant que lui il chantoit les yeux fermés.
— Je suis capable de le foire comme mon père, » répondit le coq; et à l’instant, fermant les yeux, il bat des ailes peur chanter, mais à l’instant aussi il est saisi et enlevé par le renard.
Heureusement pour lui, des bergers qui étoient là à peu de distance virent le voleur emporter sa proie : ils lâchèrent leurs chiens après lui. Le coq alors, usant d’adresse à son tour, dit au ravisseur : « Criez-leur que je suis de vos amis, ils vous laisseront aller.» Le renard le croit, il ouvre la bouche pour parler, mais il lâche ainsi l’oiseau, qui aussitôt vole sur un arbre et se moque de lui. « Maudit soit celui qui parle, lors-qu’il devroit se taire, dit le renard.
—Maudit soit, ajouta le coq, celui qui ferme les yeux lorsqu’il devroit veiller. »
“Le Renard et le Coq”