Aristote
Philosophe grec, fables antiquité – Le Renard, les Mouches et le Hérisson
« Le sujet de cette fable est dans Ésope. Aristote la cite dans sa Rhétorique (extrait) comme un modèle capable de faire juger du goût de l’auteur et de sa manière énergique d’enseigner. La voici traduite du grec :
« Un renard voulant passer une rivière tomba dans une fosse bourbeuse; aussitôt il y fut assailli par une infinité de grosses mouches qui le tourmentèrent longtemps. Il passe un hérisson; touché de le voir souffrir ainsi : Voulez- vous, lui dit-il, que je vous délivre de ces insectes cruels qui vous dévorent? — Gardez-vous-en bien, répondit le renard. « — Et pourquoi donc? — Parce que celles-ci vont être sorties de mon sang, et si vous les chassez, il en viendra d’autres plus affamées qui me suceront ce qui m’en reste. »
L’allégorie est visible. Le renard représente le peuple foulé par des magistrats qui sont eux-mêmes représentés par les mouches. Le hérisson représente les accusateurs des magistrats. Le renard est malheureux, mais il est prudent et patient dans son malheur. Le hérisson est choisi pour représenter les accusateurs plutôt que tout autre animal, parce qu’étant hérissé de pointes il pouvait blesser en voulant guérir, caractère assez ordinaire aux accusateurs qui veulent changer de maître, souvent pour régner à leur tour, et peut-être avec plus de dureté que ceux qu’ils accusent. »
(Principes de littérature de l’abbé Batteux.)
Ce sujet fut donné en thème par Fénelon au Duc de Bourgogne.
La Fontaine avait d’abord composé cette fable autrement; on a retrouvé le brouillon entièrement écrit de sa main. Voici cette première version.
Le Renard et les Mouches.
Un renard tombé dans la fange.
Et de mouches presque mangé.
Trou voit Jupiter fort étrange
De souffrir qu’à ce point le sort l’eût outragé.
Un hérisson du voisinage.
Dans mes vers nouveau personnage,
Voulut lu délivrer de l’importun essaim.
Le renard aima mieux les garder, et fut sage.
Vois-tu pas, dit-il, que la faim
Va rendra une autre troupe encor plus importune?
Celle-ci, déjà soûle, aura moins d’âpreté.
Trouver à cette fable une moralité
Me semble chose assez commune :
On peut, sans grand effort d’esprit,
En appliquer l’exemple aux hommes.
Que de mouches voit-on dans le siècle où nous sommes !
Fable XIII. La Fontaine : Le Renard, les Mouches et le Hérisson.
Esop., apud Aristolel. rhetoricor., lib. II, cap. XX, tom. II, p. 570, édit. du Val., 1619, in-folio; trad. de Cassandre, édit. 1733, p. 291. — Fabula E$opi.384, edit. LIpsiae, l810, p. 165. — Philibert Hegemon, fab. XIX, édition 1583, p. 56
Œuvres complètes de La Fontaine, Louis Moland,1872
Aristote, 384 av. J.-C. – 322 av. J.-C.