Dès que l’homme, affaibli par son intempérance,
Eut hâté sa ruine, ainsi que je l’ai dit.
Il advint mal sur mal ; car aussitôt naquit
Des médecins la triste engeance.
Le renard, qui toujours fut un drôle rusé,
De ce leurre nouveau s’étant donc avisé.
Voulut en tirer avantage.
A cet effet, usant d’un pompeux verbiage,
Sans peine, il fit accroire aux autres animaux
Qu’à l’exemple de l’homme ils devaient dans leurs maux
Avoir quelqu’un d’entre eux qui sût faire la cure.
« Pour moi, dit-il, de la nature
Je sais mieux qu’aucun les secrets ;
Je connais chaque simple, explique ses effets,
Enfin, il n’est blessure ou maladie
A quoi, mais sur-le-champ, mon art ne remédie.
Bien plus, j’ai le secret de prolonger les jours.
Vit-on jamais chez l’homme une vertu pareille ?
Il n’est pas un de vous, aidé de ce secours
(Il présentait alors sa petite bouteille),
Qui ne puisse des ans du cerf, de la corneille,
Pour le moins égaler le cours. »
Ainsi parla notre empirique.
Animaux aussitôt d’accourir pour le voir.
Ensuite, le croyant expert et véridique,
En l’air voilà plus d’un mouchoir.
On ne vit que du baume et de l’argent pleuvoir :
C’était ce que voulait le drôle.
Mais sachons s’il leur tint parole
Du tout au tout il s’en fallut :
Quiconque prît du baume en peu de temps mourut.
Tandis que ceux que soigna la nature
Des plus longs jours comblèrent la mesure.
“Le Renard médecin”