Gabriel de la Concepción Valdés
Sur le sommet d’un vert palmier,
Aux lueurs de l’aube naissante,:
Un rossignol au frais gosier
A la colombe gémissante,
En des chants purs, mélodieux,
Donnait ces conseils précieux :
— Quoi ! tu viens, malheureuse amante,
Conter en ces lieux la douleur !
Crois-tu que tes cris, innocente,
Porteront le calme en ton cœur?
Retourne sous l’épais ombrage
Où tu peux sans crainte gémir;
Fuis loin de ce riant bocage
Où tu vois mille fleurs s’ouvrir.
Cette solitude trompeuse
Cache les pièges du chasseur;
Redoute-les : la mort affreuse
Peut être-au sein de chaque fleur. »
Il venait de finir à peine
Cet harmonieux mi-fa-sol
Lorsque d’une balle inhumaine
Se sent frappé le rossignol.
N’en est-il pas parfois de même
De plus d’un médecin profond
Qui, malgré son savant système,
Meurt bien avant le moribond?
Combien ne voit-on pas encore
De ces conseillers doucereux
Offrir aux autres l’ellébore
Qu’ils devraient conserver pour eux?
“Le Rossignol et la colombe”