Fables et poésies de Jean de La Fontaine
Un joli Perroquet, Dont on avoit cultivé le caquet,
Avec grand art et grande adresse,
Oyant chanter un Rossignol,
Fut tout épris pour lui d’estime et de tendresse,
Et, pour l’en assurer, il prend vers lui son vol.
« Beau chanteur, lui dit-il, votre voix angélique
Me met en admiration.
De grâce, apprenez-moi le maître de musique,
Dont vous tenez cette chanson?
Ou bien, si vous le trouviez bon,
Je viendrois tous les jours prendre quelque leçon :
J’apprendrois bien, et c’est dommage
Que l’on m’ait enfermé trois ans dans une cage,
Sans chanter, ne songeant qu’à polir mon langage.
— Ah! dit le Rossignol, je n’appris jamais rien,
Et j’estime bien plus votre bon entretien,
Que mon chant et mon ignorance.
— Changeons-la pour votre éloquence?
— Je le veux, et d’abord prenons possession.
« Perroquet, pour chanter, se mit tout hors d’haleine ;
L’autre, pour haranguer, ne prend pas moins de peine.
Ils eurent fort longtemps cette occupation.
A la fin, voyant bien qu’elle étoit inutile :
« Rendez-moi mes beaux mots, reprenez vos fredons?
Dit le Perroquet. Apprenons,
Que quiconque veut être habile,
Doit consulter pourquoi la Nature l’a fait,
Et ne pas consulter son impuissant souhait. »
“Le Rossignol et le Perroquet”