Rossignol et serin vont rarement ensemble :
L’un perche dans les bois sur la branche qui tremble:
L’autre, élevé dans nos climats,
Est prisonnier et ne s’en doute pas.
Pourtant un jour, dans une môme cage.
Ensemble on les vit figurer;
Ils étaient là pour respirer,
A la condition de faire bon ménage.
Le rossignol chantait; le serin se taisait,
Ne voulant pas lutter à son désavantage.
Un enfant, qui de loin admirait ce ramage,
Voulut voir le chanteur qui si fort lui plaisait.
La mère y consentit et, pour le satisfaire,
Rentra la cage et la mit sous ses yeux.
« Voyons, dit-elle, à qui des deux
Il faut attribuer le bonheur de te plaire.
A ton avis lequel chante le mieux? »
L’enfant d’une main empressée
Désigne le serin. « La chose est bien aisée
A deviner, dit-il. Ce plumage éclatant
Indique assez celui dont j’admire le chant.
L’autre est un sot, ce qui se voit de reste
A son plumage gris. Pour moi je le déteste. »
La mère alors : « Mon enfant, ton erreur
En ce monde est assez commune :
On donne tout à l’air extérieur ;
On regarde à l’habit. Celui-là fait fortune
Qui sous de beaux dehors cache sa nullité.
Le vrai mérite, en sa simplicité,
Sans ce prestige à peine est remarqué. »
“Le Rossignol et le Serin”