” pastiche de la Laitière et du pot au lait”
Un sac en toile de lin,
Rebondi de bon grain,
En route vers le moulin,
Marchait avec entrain.
Parti ce matin tôt,
Sitôt potron-minet,
A travers les coteaux,
Gaillard, il cheminait.
-Ce blé battu la veille,
Songeait-il en son for,
Est une pure merveille
Et je me ferai fort
D’en tirer de la meule
La meilleure des farines :
Une mouture fine
Donnant un pain que seuls
Mangent les empereurs
Le dimanche à la ville…
Du moulin au fournil
Il me faudra deux heures ;
La pâte va lever
Avant la fin du jour :.
Pas le temps de rêver,
On la mettra au four
Dans la nuit et, à l’aube,
Sortira la fournée
Dorée et toute chaude.
En début de journée,
Je possède en mes flancs
Deux douzaines de miches
D’un pain frais et bien blanc.
Bientôt me voilà riche
Car je le vends sans peine
À la cour de la reine !…
Ainsi tirait le sac ses plans sur la comète,
Des rêves de fortune lui volaient dans la tête,
Et, de joie, à l’idée d’être millionnaire,
Le gros sac saute en l’air,
Trébuche
Et se ramasse sur une forte bûche
Qui gisait en travers.
La toile se déchire…
Et les grains de s’enfuir
Dans l’herbe du remblai…
Adieu beau blé,
Adieu écus,
Il est fendu
Du chef au cul !
Alors le Sac, fort mal en point,
Va se faire raccommoder…
Il va devoir s’accommoder
De ne plus porter que du foin.
Ce n’est pas en rêvant
Qu’on peut remplir sa bourse.
Vendre la peau de l’ours
Qui est encore vivant
Est source de déconvenue.
Car la chose est connue :
On croit voir un troupeau
Quand il n’y a qu’un pot ;
Que celui-ci se casse,
Aussitôt, tout s’efface…
“Le Sac de blé”