Le sabre & le foureau disputoient fortement,
Pour savoir qui des deux est le plus nécessaire.
Le premier alleguoit, qu’utile pour la guerre,
Pendant la paix, encor, il servoit d’ornement,
Et pouvoir se passer de l’autre absolument.
Le foureau se voyant méprisé de la sorte :
T’en passer ? Cria-t-il, ingrat, cœur de payen,
Que ferois-tu, sans moi ? Je fais qu’on te supporte,
Sans moi, ton corps tranchant, qui découpe si bien,
Mutileroit le maître qui te porte,
Qui, de dépit te mettroit à la porte,
Où, la rouille, sans moi, te réduiroit à rien.
A cela que peus-tu répondre ?
Malgré ton éloquence & ton air satisfait,
Dit le sabre, un seul mot suffit pour te confondre,
Sans moi, l’on ne t’auroit pas fait. (*)
( * ) Cette fable fut composée, dans un temps où les disputes entre les officiers de la marine militaire & ceux de l’administration du même corps, commencèrent d’éclater & à devenir plus vives & plus dangeureuses. “Le Sabre et le Foureau”
René Alexandre de Culant 1718 – 1799