« Pourquoi donc sur les monuments
» De Paris, ville des merveilles,
» Aperçoit-on à tous moments
» Des taches sans pareilles ?
» À l’échoppe du savetier
» Là, c’est un palais qui s’enchaîne;
» Ici, champignon sur un chêne ;
« La boutique s’accole à l’édifice altier ;
» Plus loin des murs qu’il faut abattre,
» Ferment l’abord d’un grand théâtre.
» Quel désordre à la fois et triste et repoussant,
» S’écriait un jour un passant !
» Un autre répondit : — « C’est l’image du monde ;
» Dans l’ordre social est-il rien de parfait ?
» On voit le clair ruisseau près du bourbier immonde ;
» L’ingratitude marche à côté du bienfait ;
» Sur d’heureuses métamorphoses
» Ne comptez pas, du mal tant que vivront les causes.
Ne pouvant rester froid à ce raisonnement.
Un sage à côté d’eux, vêtu très simplement,
Leur dit : « Il s’en faut peu qu’une autre ère s’éveille
» Et quand tout dort pour vous, pour moi rien ne sommeille.
» Avec la paix oubli des maux soufferts,
» Et l’industrie, âme de l’univers,
» Paris révélera ce que mon œil découvre !… »
— Et qu’apercevez-vous ? dirent les yeux ouverts
Nos passants ébahis.—L’achèvement du Louvre!
Paris, Reine-mère des arts,
Après de grands travaux étonnant les regards…
— Pour nous parler ainsi Monsieur est donc prophète ?
Reprirent les passants ? — l’idée est dans ma tête.
Et le présent d’ailleurs répond de l’avenir.
— Erreur étrange, il faut en convenir;
La ville selon vous prendrait l’habit de fête ;
Et qui sera l’heureux réformateur ?
Un sorcier, ou bien un poète?
— Moi, dit le sage, ou l’Empereur !
Sous cette forme anecdotique
La fable a sa moralité ,
Dans un pays aux mains d’un pouvoir énergique.
Partisan du progrès de la société,
Vieil abus ou vieille boutique,
N’auront jamais droit de cité !
“Le Sage et les deux Passants”