Dans une Église de village,
Un Saint de bois, par les ans vermoulu,
S’ébranle un jour, tombe, écrase, au passage,
Un Vieillard, Saint vivant, dont il fait un Élu.
On regrette le mort, on le pleure, on l’enterre,
Puis, on se dit bientôt : Dieu l’a voulu !
Puis, enfin, chacun de se taire,
Comme il se passe aux temps chrétiens ;
Et ce vaut bien les douleurs solennelles,
Et ce vaut bien les larmes éternelles,
Si qu’il était d’usage aux temps païens.
Pour notre Saint de bois, ce fut une autre antienne :
Le Saint de chair et d’os, vous l’avez enterré,
A ses paroissiens dit monsieur le Curé ;
Son âme est, je l’espère, au Ciel ; Dieu l’y maintienne !
Car, je la crois là-haut beaucoup mieux qu’ici-bas ;
Mais, notre Église rester veuve
De son Patron !… Ah! ne le souffrez pas !…
Elle est en pleurs, il faut que chacun se cotise,
Pour rendre, avec son Saint, la joie à notre Église !…
Si du prône, en tout point, tels ne furent les mots,
Tel en était le sens : on fondit en sanglots,
Et, l’an suivant, le Saint fut remis dans sa niche,
Non pas Saint vermoulu, mais Saint tout battant neuf,
Doré, fardé, frisé, beau, noble autant que riche ;
Carrure de géant, ventre et jambes de biche.
Et le visage ovale et poli comme un œuf,
Et des yeux, dont Homère eût dit des yeux de bœuf ;
Vrai chef-d’œuvre de l’art ! Aussi, dans le village,
Ce fut presque une émeute, alors qu’il apparut ;
Chacun le voulut voir, tout le monde y courut,
Tout le monde y porta son bouquet, son hommage.
Un seul, pourtant, de loin lui tenait ce langage —
Le fils, hélas ! du vieux paroissien : —
Grand Saint, excusez-moi de ne m’approcher guère ;
Mais, si vous l’ignorez, feu Monsieur votre père
Tua l’an passé feu le mien.
Le sot ! penserez-vous ; j’en conviens, mais encore,
Retrouvé-je un bon mot sous son esprit bâté ;
Ce sera ma moralité :
Comme on connaît les Saints, on les honore.
“Le Saint et le Villageois”