Ferdinand Canu
Médecin, poète et fabuliste XVIIIº – Le sapin et le liseron
Au pied d’un vieux sapin, robuste enfant du Nord,
Entraîné par le vent, un Liseron débile
Avait élu son domicile.
Le faible est rarement protégé par le fort :
Mon étranger le fut ; et prenant son essor,
Grâce à son abri tutélaire,
Le voilà qui grandit, s’enracine, prospère,
Grimpe autour de son protecteur ;
Et bientôt au-dessus levant sa tête altière,
Se vante insolemment d’effacer sa hauteur.
Mais son modeste bienfaiteur :
« Insensé, lui dit-il, à ton impertinence
Je ne dois que mépris.
Poursuis jusques au bout.
Un plus puissant que moi châtîra ton offense :
Je laisse faire au Temps ; il corrige de tout. »
En effet, l’hiver vint ; mon ingrat fut sa proie.
Ainsi passa sa folle joie ;
Et mon Sapin resta debout.
C’est un tort d’oublier un important service ;
Mais y joindre l’injure, est le comble du vice.
Pourquoi s’enorgueillir dans la prospérité ?
Sa faveur, de bien près, touche à l’adversité.
De tous nos vains projets la fortune se joue ;
Craignons son caprice incertain :
Tel aujourd’hui qui monte sur sa roue,
Peut-être en descendra demain.
Ferdinand Canu