Un serin, jeune, beau, chantoit dans un bocage ;
Les rossignols étoient jaloux
De la douceur de son ramage.
Malgré leur dépit et leur rage,
Pour l’entendre ils se taisoient tous.
Il aperçut une linotte,
Dont l’air étoit vif, tendre et doux.
Dans ce bois, lui dit-il, belle, que faites-vous ?
Je ne fais rien ; si je savois la notte*,
Que je chanterois tendrement !
Lui répondit, en soupirant, la belle.
Avec un désir si charmant,
Répliqua le serin, brûlant d’amour pour elle,
Que vous apprendrez promptement !
Si j’avois vous prier que, sous le vert feuillage
Je vous donnasse des leçons,
Bientôt vous charmeriez, par vos tendres chansons,
Tous les oiseaux du voisinage.
Ah ! dit-elle d’un ton flatteur,
Sera-ce assez de ma reconnaissance ;
Pour vous payer d’une telle faveur ?
C’est-là, je crois, la récompense
Que vous devez attendre de mon cœur.
Le serin, généreux et tendre,
Par ses soupirs lui fit comprendre
Qu’il souhaitoit lui plaire seulement ;
Qu’il ne vouloit d’autre payement
Que le doux plaisir de l’entendre
Chanter mélodieusement.
L’accord fut fait dans le moment :
En peu de temps elle sut la musique.
L’Amour est un maître charmant !
Quand à montrer ce dieu s’applique,
Que l’on apprend facilement !
D’abord que le serin vit l’aimable linotte
Se servir avecque sentiment de la notte* :
Vous chantez aussi bien que moi,
Lui dit-il ; recevez ma foi.
C’est le prix que je veux d’avoir su vous instruire
La linotte se prit à rire.
Cet aveu, lui dit-elle, est tout-à-fait nouveau ;
Je vous croyois plus de cerveau :
Grand merci de votre musique ;
Adieu, mon tendre cœur s’explique
En faveur d’un tendre moineau.
Aux champs, dans les cours, dans les villes,
Tandis que nous sommes utiles,
Nous sommes toujours bien reçus ;
Mais d’abord que notre présence
Semble exiger de la reconnoissance,
On nous fuit ; nous ne plaisons plus.
*L’auteur semble s’être amusé à rimer richement avec linotte
“Le Serin et la Linotte”