Vers mil sept cent quatre-vingt-treize,
Un beau serin chantait l’air de ta Marseillaise.
De sa voix avec art réservant les moyens
Pour l’endroit où l’on dit : Aux armes, citoyens !
Il exaltait, les gens ; tel autrefois Tyrtée
Enfanta des héros dans la Grèce agitée.
De l’oiseau merveilleux le professeur tout fier,
En assignats comptants se le fit payer cher ;
Il était temps : le Serin patriote
Qui sous le Consulat chante la même note,
Paraît d’abord fastidieux,
On entend dire qu’il radote,
Puis réputé séditieux.
Comme tant d’innocents que l’on a vu proscrire,
Le pauvret, condamné pour son noble refrain,
Est croqué par le chat d’un ex-républicain,
Devenu baron sous l’Empire.
Je suis affligé que ce Chat
Ait mangé le Serin, j’en aurais fait l’achat,
Car dans notre temps, à vrai dire,
Ce n’est jamais un fait commun,
Dans le champ des beaux-arts ou de la politique,
De mettre la main sur quelqu’un
Qui n’ait pas changé de musique.
“Le Serin et le Chat”