Un beau serin, venu de Canarie,
S’ennuyoit de la compagnie
Des fauvettes et des moineaux,
Du gai pinson, bref de tous les oiseaux
Que son maître, croyant lui plaire,
Rassembloit avec soin dans la même volière.
Sur tout cet étranger faisoit le dédaigneux :
Les eaux de son pays étaient cent fois plus claires,
Le grain qu’on y mangeoit, étoit plus savoureux,
Les oiseaux y chantoient bien mieux,
Tous propos déplaisans pour ses petits confrères.
Une serine ayant quelque renom,
Entre dans la volière ; elle crut que pour elle
Le beau serin alloit changer de ton ;
Mais la pauvrette, hélas ! n’eut pas même un coup d’aile.
Femelle sans appas,
Ou femelle jolie,
Se promet, quoique sage, un peu d’agacerie ;
Et quand l’objet de sa coquetterie
N’y répond pas,
La plus douce devient furie.
De la nôtre ce fût le cas ;
Contre le fat la belle ameuta la volière ;
A punir ses mépris oiseaux elle invita :
On dit qu’elle fut la première
Qui, sans tarder, coups de bec lui porta ;
Non pas de ceux qu’on donne à l’oiseau qui sait plaire,
Qu’amour conduit si vivement,
Et qui pourtant ne blessent guère.
Elle frappa sans nul ménagement.
Et chacun l’imita d’une telle manière,
Que voilà notre fat plumé dans un moment.
Craignant toujours nouvel outrage,
Le dédaigneux se mit à la raison,
S’occupa moins de lui, des autres davantage ;
En reprenant son beau plumage,
Il devint très-aimable, et plus galant, dit-on ;
Et maintenant, tout à fait sage,
Il sent le prix de la leçon.
“Le Serin et la Volière”
- La Marquise de la Ferrandière, 1736 – 1819