Un serpent, l’autre hiver, sur la neige étendu ,
Non loin de lui vit une pie ;
Aussitôt il l’appelle, et lui dit : mon amie,
Je suis tout gelé, morfondu ;
Réchauffe-moi, je t’en supplie ;
Je t’aimerai toute ma vie :
Un bienfait n’est jamais perdu.
Bien volontiers, dit l’imprudente !
Puis sous son aile le plaça,
Le réchauffa, le caressa ,
Car elle était compatissante.
Ce doux remède opéra promptement ;
On le croira facilement.
Contre le froid du tems et les glaces de l’âge,
La chaleur naturelle est un remède sûr.
Le roi David jadis en fit usage ,
Et s’en trouva fort bien ; mais David était sage :
Il ne sentit jamais aucun désir impur.
On le dit, je le crois : il ne m’importe guère
D’être juge dans cette affaire.
Je reviens au reptile ; à peine ranimé
Sa cruauté renaît; il se dresse, il s’excite ;
Le bienfait l’importune, et la pitié l’irrite :
De colère il est enflammé.
La pauvre pie est interdite ;
Elle voudrait prendre la fuite,
Mais vainement; l’ingrat contre elle s’est aimé.
Il frappe de son dard, il couvre de morsures
Sa bienfaitrice , hélas ! expirant des blessures
Que lui fait l’inhumain de son sang affamé.
Ingrat, dit-elle, ingrat, quelle est ta barbarie!
Tu me donnes la mort…..Je t’ai sauve la vie !
Fut-on jamais criminel à ce point !
Le serpent lui répond ; je ne t’écoute point.
Cesse de murmurer ; ta plainte est superflue :
Faible je rampe et fort je tue.
“Le Serpent et la Pie”