Un singe entré dans un boudoir ,
Présentait sa. vilaine face
Devant un très-beau miroir.
Croyant qu’une guenon lui faisait la grimace ,
Il te sied bien , dit-il, de te moquer de moi ,
Quand on est faite comme toi !
Ne connais-tu pas le proverbe,
Rien n’est plus laid qu’une guenon ?
Pauvre butor ! baisse d’un ton,
Tes sots propos et ton verbe ,
Lui répondit le miroir ;
Comment ne saurais-tu voir
Que c’est moi seul qui représente
Tes traits , ton image parlante ? —
Moi je serais aussi hideux ?
Ah ! le mensonge est affreux,
Je ne crois point ce prodige :
Je vois une guenon, vous dis-je ;
Et je vais, d’un bon soufflet,
La punir de son audace.
Cela dit, il frappe la glace ,
En vingt morceaux la casse net :
De ses doigts le sang ruisselle.
Ainsi, méchante querelle
Doit être punie à propos ,
Et d’un sot les mauvais propos.
L’amour-propre séduit : la plus laide figure
Se flatte , et prend toujours vérité pour injure.
“Le Singe et Miroir”