Fables Anonymes
Le Singe
Affublé d’un habit complet,
Un singe faisait sentinelle :
A la porte d’un cabaret.
Ce serviteur d’une espèce nouvelle
Sous la serge se pavanait,
Dansait, sautait, cabriolait,
Attirait les passants à force de prouesses.
Voilà qu’un jour il advint qu’un manant,
Bouche béante , une jambe en avant,
S’extasiait ainsi devant ses gentillesses :
« Le charmant animal, que ses tours sont plaisants !
« Il ne ressemble guère à ceux de son espèce,
« Tous paresseux et mauvais garnements ;
« De ses défauts sans doute en sa jeunesse,
« Avec grand soin , on l’aura corrigé.
« Mais aussi comme il est change !
« Il était né méchant, orgueilleux, intraitable ,
« Ainsi que ses pareils irascible , insolent,
« Hé bien, voyez-le maintenant, »
Le voilà devenu bon diable.
« Allons, Jocko, viens, lèche-moi la main;
« Je n’ai de toi nulle peur, je te jure…
Pour ses beaux compliments notre singe malin
Lui rendit une égratignure.
Que de singes, dans tous les temps,
Changent de ton, d’habillements,
Mais ne changent point de nature !
M. L. D. L. Audiffret, Almanach des muses – 1826.