Joseph POISLE-DESGRANGES
Allons, marquis, faites le beau !
Dressez-vous, s’il vous plaît.
Ôtez votre chapeau.
Saluez humblement ces messieurs et ces dames.
Balayez devant eux…
Assez ! Prenez ces lames.
En garde… Ripostez… Hé bien ! êtes-vous prêt ?
Parez donc ce coup de fleuret.
La main droite, à présent… sinon je vous bâtonne.
Surtout dites merci, si le public vous donne.
C’est ainsi qu’à son singe un homme mal vêtu
Parlait après l’avoir battu.
Les passants pour le voir accouraient en grand nom
Et le singe excité, quoiqu’il eût l’humeur sombre,
Ramassait avec soin les sous qu’on lui jetait.
Mais, s’étant aperçu que son maître empochait
Ce que seul il avait su gagner sur la place,
L’animal crut devoir faire un peu la grimace,
Puis se plaindre hautement.
L’homme, sans répliquer à son raisonnement,
Au singe démontra qu’on a mauvaise grâce
A gémir quand on sent la chaîne autour du cou.
Et, pour l’amadouer, notre honnête filou
Lui fil faire en cadence un tour de passe-passe.
Que l’on soit artisan, commis ou rimailleur.
Ce n’est pas là ce qui m’occupe ;
Mais ce que je voudrais, c’est que le travailleur
Du paresseux ne fût plus dupe.
“Le Singe et son Maître”