Une grande divinité,
La Faveur, se fit faire un temple.
Chez les dieux, comme ici, tout puissant est l’exemple.
Bientôt Thémis, de son côté,
Résolut de construire un splendide édifice.
Ce fut un architecte humain
Qui, par son ordre, y mit la main.
L’artiste avait déjà rempli le même office
Pour le temple de la Faveur.
Bientôt fut achevé celui de la Justice.
Les deux temples avaient un aspect de grandeur ;
Tout concourait à leur splendeur :
Le marbre, l’or, l’airain, des fresques admirables ;
Sur la terre, dignes des cieux,
Ils étonnaient, charmaient les yeux:
En outre, ils n’étaient point semblables :
L’artiste intelligent les avait dessinés
Selon l’usage auquel ils étaient destinés.
Mais est-il rien sur quoi ne morde la critique ?
A ses traits acérés, tout n’est-il pas permis?
Quelqu’un disait : — C’est magnifique !
Mais d’où vient, s’il vous plait, qu’au temple de Thémis
On ait mis cette colonnade
Qui se croise en tous sens sur toute la façade?
Veut-on gêner à chaque instant
Les pas du plaideur haletant?
Et d’où vient qu’à l’autre édifice
On a gâté le frontispice,
En plaçant la porte si bas,
Et si petite encor ? Veut-on qu’on n’entre pas?
Vraiment, c’est à n’y rien comprendre. —
– Peut-être a-t-on voulu, dit quelqu’un, faire entendre
Combien sera plus tard d’un difficile accès .
Du temple de Thémis le divin sanctuaire,
Et, d’un autre côté, qu’on n’obtiendra jamais
Les dons de ta Faveur qu’en rampant jusqu’à terre ?
“Le temple de la Justice et celui de la Faveur”
- Alexis Rousset , 1799 – 1885