Dans ses vers un maître fameux
En l’art de conter et d’écrire
A peint à grands traits le délire
Qui tourmente un ambitieux ;
Mais, en ses goûts toujours sensible
Ce maître, en morale paisible
Feint que l’aveugle déité
Se refuse au travail pénible,
Pour s’offrir à l’oisiveté.
Je l’en croirois sur sa parole,
Pour la fable il est mon héros
Mais chacun vante son idole.
Et la sienne étoit le repos ;
Il eût pu lui dresser un temple.
Toutefois un projet pareil
Méritoit au moins quelque exemple
De ceux qu’enrichit le sommeil.
En attendant voici peut-être
Un secret qui n’est pas moins sûr.
Un jeune aga vouloît paraître :
Excédé d’un état obscur,
Il se démene, il se tracasse,
Il n’est pas un moment en place ;
Ses talents bientôt font du bruit ;
Fortune vient, sourit, s’enfuit.
Le dépit l’accable et le ronge.
Recru d’efforts et de travail,
Il s’endort non loin du serrail,
Et croit voir la Fortune en songe.
Jeune homme, crains de t’y tromper,
Dit-elle ; c’est folie énorme
De croire en courant m’attraper,
Ou d’attendre que je m’endorme.
Mieux que bien d’autres immortels,
J’ai mon temple, j’ai des autels.
Sois ferme, assiège-s-en la porte ;
L’occasion l’entr’ouvrira :
Si ta constance est assez forte,
C’est elle qui t’introduira.
J’approuve fort l’avis de l’immortelle ;
II met au moins du calme dans l’esprit :
Bien turbulent qui galope après elle,
Bien nonchalant qui l’attend dans son lit.
“Le Temple de la Fortune”