Un pêcher fut un jour planté par un vieillard :
« Que ses premiers bourgeons, dit-il, ô sainte Vierge,
Puissent réjouir mon regard,
Et je vous brûle un cierge ! »
Le printemps vient ; notre arbrisseau
Couvre ses branches de verdure :
« Des feuilles ! dit l’ex-jouvenceau,
C’est bagatelle toute pure ;
Mais des fleurs !… et j’en fais le serment solennel,
Je brûlerai deux cierges à l’autel. »
L’an d’après, quand avril d’un beau panache rose
Eut couronné notre pêcher :
« Sainte Vierge, dit-il, ce serait autre chose,
Si je voyais ces fruits sur mon front se pencher !…
Quatre cierges de bonne cire
Mieux que moi vous le sauraient dire. »
Un an s’écoule, et son fruit velouté,
Rien qu’à le voir vous donne bouche fraîche.
Notre homme vient : il n’est point contenté ;
Mais au moment qu’il va prendre une pêche,
La branche, cédant à l’effort,
Se brise sur son front, et l’étend roide mort.
C’est à vous que ceci s’adresse,
Vieillards craintifs, qui calculez sans cesse
Les jours que Dieu pourrait vous répartir,
Loin de songer à bien mourir.
(Le Vieillard et le Pêcher)