Octogénaire, vous plantez ?
Passe encor de bâtir ; mais planter à votre âge !
Assurément vous radotez :
Il serait peut-être plus sage
De préparer la tombe où tout droit vous allez.
Car, au nom des dieux, je vous prie,
Quel fruit de ce labeur pouvez-vous recueillir ?
Autant qu’un patriarche il vous faudrait vieillir.
À quoi bon charger votre vie
Des soins d’un avenir qui n’est pas fait pour vous ?
Ne songez désormais qu’à vos erreurs passées ;
Quittez le long espoir et les vastes pensées ;
Tout cela ne convient qu’à nous.
Le vieillard.
Il ne convient pas à vous-mêmes,
Jeunes présomptueux ! tout établissement
Vient tard et dure peu. La main des Parques blêmes
De vos jours et des miens se joue également.
Nos termes sont pareils par leur courte durée.
Qui de nous des clartés de la voûte azurée
Doit jouir le dernier ? Est-il aucun moment
Qui vous puisse assurer d’un second seulement ?
Mes arrière-neveux me devront cet ombrage :
Eh bien ! défendez-vous au sage
De se donner des soins pour le plaisir d’autrui ?
Cela même est un fruit que je goûte aujourd’hui :
J’en puis jouir demain, et quelques jours encore ;
Je puis enfin compter l’aurore
Plus d’une fois sur vos tombeaux.
De pareils accidents ne seraient pas nouveaux.
Hélas ! sur la vie
Bien fou qui se fie !
“Le Vieillard et les trois Jeunes gens”