Un vieux bouc soupirait pour une jeune bique ;
La chose, pour être comique,
N’est pourtant pas, convenez-en, unique :
Nombre d’exemples s’en sont vus
Ailleurs que chez les animaux cornus.
En vain la raison se récrie,
L’amour nous tient toute la vie.
Etait-il payé de retour ?
Pour ceci, c’est une autre affaire.
Les dédains de la belle et son humeur légère
Désespéraient, enflammaient tour à tour
Son amour,
Comme c’est assez l’ordinaire.
0 cher objet, lui disait-il un jour,
Ma reine, ayez pitié de mon martyre !
Lorsque pour vous, cruelle, je soupire,
Quand je me meurs pour vos beaux yeux,
Serez-vous donc insensible à mes vœux !
D’un plus doux espoir je me flatte ;
Donnez-moi cette blanche patte…
Le sire en était là, quand survient un biquet
Jeune et bien fait, à l’humeur joviale,
Au regard vif, à l’air coquet ;
Et voilà notre bique avec lui qui détale
A travers champs, tous deux sautant,
Folâtrant et cabriolant,
Laissant notre amoureux béant
Au beau milieu de sa tendre harangue.
Et le narguant de loin, en lui tirant la langue.
Il en fut pour son compliment.
Ce fut là tout son avantage.
Aussi je laisse à penser s’il enrage.
Ceci s’adresse à vous, barbons,
Qui tentez encore les conquêtes.
Ils sont passés pour vous ces jours de fêtes.
Ne faites plus les Céladons,
Et songez à ce vieil adage,
Que j’ai lu dans certain auteur :
Qui n’a pas l’esprit de son âge,
De son âge a tout le malheur.
“Le vieux Bouc et la jeune Bique”