Il y avait une fois un vieux tigre qui avait envie de manger un singe. Celui-ci lui dit pour le tromper : « Mon corps est bien petit, et il ne pourrait même vous fournir un seul repas. Sur la montagne qui est vis-à-vis, il y a un grand animal qui est capable de satisfaire votre noble appétit. Je vais marcher devant et vous y conduire. »
Quand ils furent arrivés tous deux sur la montagne, un cerf, armé d’un bois formidable, aperçut le tigre et soupçonna qu’il voulait le dévorer. Il alla au-devant du singe et lui dit : « Mon jeune ami, vous m’aviez promis dix peaux de tigre, aujourd’hui vous ne m’en apportes qu’une; vous m’en devez encore neuf. »
A ces mots, le tigre fut effrayé et dit : » Je n’aurais jamais cru que ce petit singe fut aussi méchant. Il paraît qu’il veut me sacrifier pour payer ses anciennes dettes1. »
1. Il y a ici un jeu de mots intraduisible. En chinois, le mot tchang, numérale des peaux, s’écrit et se prononce de même que tchang, compte, calcul, dans la locution Ti-tchang, régler ses comptes, payer ses dettes.
Le vieux tigre qui avait l’oreille dure et la vue basse, n’a probablement entendu que les derniers mots du cerf, et il a dû détaler au plus vite pour ne pas être dévoré, à sou tour, par le grand animal dont il se promettait de faire sa proie.
“Le vieux Tigre et le Singe”