Un vigneron de La Villette,
Lorsque sa vendange fut faite,
Apportait son vin à Paris,
Espérant le vendre à bon pris.
Il apportait encore sur la même charrette
Son épouse Fanchon.
Fanchon vive et jeunette
Devait une guinguette
Arborer le bouchon,
Leur fortune était sûr,
Au moins il le croyait. Arrive la voiture
A la barrière Saint-Martin.
Les commis, pour jauger le vin
Et se faire payer l’entrée,
Rangent le tout du côté droit.
Un carrosse à grande livrée
Passe au trot. Le cocher, méchant ou mal-adroit,
Avec son essieu de derrière
Accroche l’essieu de mes gens
Et les traîne en arrière.
Il ne les traina pas longtemps,
Un des poteaux de la barrière,
Poteau de pierre, gros et fort,
Arrête la charrette et résiste à l’effort.
Mais las, des deux côtés de la charrette ainsi prise
Ne soutient pas le choc, craque, rompt et se brise,
Au milieu du charivari,
Des tonneaux défoncés, de la femme expirante,
Nos seigneurs les commis, troupe compatissante,
En prison porte le mari,
Quand il a repris connaissance,
Il se trouve dans un cachot,
Personne à qui parler; il crie, et pas un mot
De réponse. A la fin , pour unique assistance,
Un huissier lui présente un long procès-verbal,
Qui, de par le roi, le colloque
Habitant des prison , confisque son cheval,
Et cetera. Ce coup de nouveau le suffoque.
Quand il peut retrouver sa voix,
C’est pour se lamenter, pour invoquer les loix.
C’est vainement qu’il les invoque;
On lui dit que jamais le roi ne perd ses droits,
Qu’il faut payer l’entrée, et payer sans remise;
Que faute de ce faire à l’encan on vendra
Jusqu’à sa dernière chemise,
Et qu’en prison il restera
Pour gage de surplus de la sus dite somme.
Or jugez de l’état de ce malheureux homme:
Épouse et vin perdus, nuls parents, point d’amis,
Réconforté par qui ? Par messieurs les commis.
Sur le pauvre opprimé la providence veille
Et se déclare sans soutien.
A sa voix, un homme de bien
Va trouver les fermiers. Sans effort il éveille
La pitié dans leurs cœurs. Déjà la liberté,
Remise de l’entrée en sa totalité,
Au prisonnier sont accordées.
Ils font plus; par l’humanité
Leurs âmes sensibles guidées
Font délivrer à l’indigent
Une bonne somme d’argent.
Me dira-t-on encor, messieurs de la finance
Ne connurent jamais la bienfaisance ?
“Le Vigneron et les commis de la barrière “