Abel Fabre
Abbé, instituteur et fabuliste XIXº – Le Voyageur et le vieux Monument
Un matin, je ne sais comment,
Je longeais un vieux monument,
Orgueil d’une charmante ville.
Je regarde étonné ; bientôt, près de partir,
Du sein des murs j’entends ces mots sortir :
« Contre les rois élevons des sicaires,
Nous avons des tyrans, et nous aurons des frères ;
Gloire au travail fécond, arrière les faux dieux :
La route du progrès est le chemin des cieux ;
Tout est grand, tout est Dieu ; d’après ce beau système,
Dans un âne qui brait j’entends la voix suprême.
Mortel, sois probe, humain, débauché, fainéant,
Le bien, le mal, tout conduit au néant. »
Étonné d’un pareil langage,
Je lève en haut mes yeux et ne vois nul visage.
La porte enfin cède à mes coups ;
Alors la vérité s’offre à moi sans nuage :
J’étais dans l’hospice des fous.
Abel Fabre