Fables de l’Académie des jeux floraux
Présentée an Concourt ; Par M. Constat Dombres, de Marmande.
La bonheur est partout…..
« Avant de commencer tes jeux,
Paul, prends cet écheveau, dévidons à nous deux.
Ne fais pas le boudeur: allons! lève la tête;
Ce n’est point mal que le plaisir s’achète ;
On n’en jouit d’ailleurs que mieux. »
Et Paul, avec son âme ardente,
Pour hâter son travail s’agite, se tourmente.
La mère pelotonne avec agilité ;
Mais, première fatalité !
Le fil entre leurs doigts se brise ;
On perd du temps a la reprise ;
Le soleil décline, et l’enfant
Voit son bonheur retardé d’un instant.
Puis c’est un nœud qui les arrête;
Et Paul, fâché de voir qu’on cherche à dénouer :
« C’en est fait ! d’aujourd’hui je ne pourrai jouer ! ”
L’espoir rentre pourtant en son âme inquiète.
Après six, huit, dix tours faits sans difficulté,
Voilà que l’écheveau se mêle, se hérisse,
Et glisse
Des mains de Paul désappointé.
Il le remet en train avec dextérité.
De succès en échecs, de crainte en espérance,
On arrive à la fin ; l’enfant jouit d’avance
De cette liberté qui va le rendre heureux.
A peine son bonheur commence,
Que la nuit tombe et fait cesser ses jeux.
« Voilà l’image de la vie, »
Dit celte sage mère à son jeune garçon,
Jalouse de tirer quelque utile leçon
De l’incident qui tant le contrarie!
« Nous dévidons tous ici-bas
Un écheveau plus ou moins difficile;
Plus ou moins de bonheur ou d’adresse subtile
Nous délivrent des embarras.
Nous voulons conquérir par une vie active
Un repos , désiré pour le soir de nos jours;
L’heure de ce repos ne sonne pas toujours;
Lorsque parfois cette heure arrive,
L’écheveau dévidé, l’on commence à jouir;
Mais la nuit tombe…..Il faut mourir ! »
— « C’est donc, reprit l’enfant, poursuivre une chimère,
Que chercher le bonheur dans ce tardif repos ? »
— « C’est à nous, répondit la mère.
A savoir le trouver même dans nos travaux. »
“L’Echeveau et le Fil”
Recueil de l’Académie des jeux floraux – 1856