Édouard Delfont
Fabuliste contemporain – L’écureuil et le bûcheron
Un écureuil, voyant venir un bûcheron
Et sa cognée en bas du chêne où il nichait
Voulut tenter de le fléchir. Il prit un ton
Très suppliant : « Monsieur, qui aimez la forêt
Et qui en êtes estimé :
Grâce, je vous en prie ! Pitié
Pour ma famille
Et les oiseaux,
Les escargots
Et les chenilles
Qui gîtent dedans la ramure.
Vous n’avez pas le cœur si dur
Que vous allez
Tous nous chasser
De la douce verdure
Où nous sommes cachés ? »
Le bûcheron lui dit : « Que m’importe, petit,
Que les tiens perdent leur refuge
Ni même criminel me jugent ?
A chacun ses ennuis. »
Lors, il frappe un grand coup dessus le tronc du chêne.
L’écureuil devient pâle. Il change de discours :
« Vous perdez votre temps, dit-il, et votre peine :
Cet arbre est vermoulu. Il n’est d’aucun secours
A votre humaine race.
Étant à votre place,
J’épargnerais mon souffle, et mes bras et mes mains. »
J’approuve ce rongeur, vif d’esprit et malin,
Qui cessa de se lamenter
Jugeant que c’est par intérêt
Que le bûcheron céderait.
Il en fut bien récompensé,
Lecteur,
Et vit toujours dans ses hauteurs !…
Las, l’Homme fait souvent primer
Quelque profit ou quelque gain
Devant pitié,
Grâce et bonté.
Cela changera-t-il demain ?
Édouard Delfont
