Joseph POISLE-DESGRANGES
Dans le parc de son père, au pied d’un peuplier,
Un jour d’automne, un écolier.
En soulevant le sable humide,
Trouva certaine chrysalide
Dont l’aspect le surprit ;
Elle ne bougeait point au moment qu’il la prit ;
Son corps était glacé, sa couleur était noire.
Et sa pose annonçait le sommeil de la mort.
Notre écolier voulant s’instruire sur son sort,
La mit dans un coffret, puis en perdit mémoire.
Tout l’hiver s’écoula ; le printemps se montrait,
Quand l’enfant, sous sa main, rencontre le coffret.
Il l’applique à l’oreille… Ô surprise ! Ô prodige !
Quelqu’un a pénétré dans cet humble réduit ;
On y remue, on fait du bruit ;
C’est un insecte qui voltige.
Un joli papillon est éclos dans la nuit.
L’enfant ne sait comment expliquer ce mystère ;
II court questionner son père :
— Mon fils, cet objet curieux
Qui d’abord a frappé tes yeux,
N’était auparavant qu’une pauvre chenille.
Elle a rampé long-temps pour creuser son sillon ;
Devint nymphe, et ce n’est qu’aujourd’hui qu’elle brille
Sous la forme d’un papillon.
Vois cet étroit linceul qu’il brisa de ses ailes :
Il semble, en s’éloignant, ne plus songer à lui,
Et n’attendre du Ciel qu’un doux rayon ait lui.
Pour s’envoler joyeux aux sphères immortelles.
A la terre, mon fils, tu dois aussi ton corps ;
Une tombe t’attend dans l’ombre et le silence ;
Mais d’un autre avenir ne perds pas l’espérance ;
L’homme, au jour solennel du jugement des morts,
Se dépouillant tout seul de ses langes funèbres,
Comme le papillon sortira des ténèbres.
“L’Enfant et la Chrysalide”